Pourquoi parler de la grève de 1920 des Cheminots de Villeneuve-
Saint-Georges ?
En quoi ces événement et l’histoire en générale nous apprennent-ils quelque chose sur les luttes
d’aujourd’hui ?
De tout temps les opprimés, les exploités, celles et ceux qui n’avaient rien que leur force de travail, se sont battus pour plus de justice, de liberté et pour un avenir meilleur
Face a un capitalisme destructeur, n’ayant comme horizon que la recherche du profit, seules les
luttes sociales ont permis la marche vers le progrès et bien souvent d’éviter le pire.
.
C’est cette mémoire des luttes sociales que l’IHS du Val de Marne* s’attache à faire connaitre.
Dans cette longue suite de mobilisations, le Val de Marne occupe une place singulière.
Ce territoire de l’Est parisien qui deviendra un département à partir de 1966, fut souvent le théâtre
de conflits sociaux qui allaient marquer l’histoire ouvrière.
Qu’on se rappelle la grève des sablières en 1908, l’appel à la grève insurrectionnelle du 10 aout 1944 au dépôt des cheminots de Vitry et de Villeneuve Saint Georges ou encore le conflit de la SKF dans les années 80 et il faudrait en citer beaucoup d’autres.
Dans cet inventaire des luttes la grève des cheminots de Villeneuve Saint Georges en 1920 revêt uncaractère particulier.
Elle intervient à la fin d’un des grands cycles de la crise du système capitaliste qui se termine par la guerre de 14-18. Une des conséquences de cette crise c’est qu’en Russie vient d’avoir lieu la
première révolution socialiste.
Certes la grève porte sur des revendications de salaires et de conditions de travail mais en arrière-
fond la question qui est posée c’est : de quel syndicalisme avons-nous besoin ?
Ce qui se joue, c’est que sans doute à ce moment précis, il semble possible d’en finir avec le
capitalisme et que l’urgence pour le mouvement syndical c’est peut-être de préparer cette
éventualité.
C’est sur cette idée que le mouvement syndical, légal depuis 36 ans, et organisé au sein de la CGT
depuis 25 ans seulement, va se déchirer.
D’un côté il y a ceux qui, après avoir pratiqué « l’union sacrée », pensent qu’il est possible d’arracher au capitalisme des avancées significatives et que le syndicalisme, sans remettre en cause la propriété privée des moyens de production, pourrait devenir un partenaire de la gestion économique.
C’est ce qu’on appellera le réformisme.
En face il y a ceux qui pensent qu’après la grande guerre le capitalisme est affaibli et que les millions de morts du conflit mondial démontrent que ce système est incapable de surmonter ses crises et qu’il ne sert à rien de vouloir le rafistoler ; l’urgence c’est d’en finir avec un mode de production où l’exploitation et la recherche du profit s’opposent au progrès social.
Ce sont les révolutionnaires.
Cette opposition : réformistes contre révolutionnaires, va définitivement structurer le monde
syndical, comme le monde politique et plus largement l’ensemble de la société.
Cent ans plus tard c’est encore cette opposition qui est au centre de nos débats et si le moment n’est pas venu d’en faire le bilan, force est de constater que si elle a grandement enrichi le débat d’idées, elle a aussi durablement divisé le camp des travailleurs le condamnant souvent à l’impuissance.
Avec ses recherches sur la grève de Villeneuve Saint Georges, Lionel Le bruchec apporte des
éléments d’explication essentiels pour comprendre la genèse de ce mouvement et les idées qu’il va
imposer dans la société.
S’imprégner de cette histoire ne peut que nourrir notre réflexion sur la période présente.
A un moment où les inégalités s’accroissent, où la misère augmente, où les idées d’extrême droite
progressent, où la guerre n’a jamais été aussi proche, où le vivant sur cette terre est menacé et où
chaque jour pour des millions de personnes il devient de plus en plus difficile de vivre tout
simplement, il devient évident que la crise du système capitaliste qui s’annonce n’aura rien à envier aux précédentes.
Alors il est urgent d’agir et la même question qu’il y a cent ans se pose : de quel syndicalisme avons-nous besoin ?
Peut-on croire une nouvelle fois que de simples réformes suffiront pour sortir de l’impasse ou faut-il admettre que l’instauration d’un monde nouveau est la seule issue possible ?
Relire les débats de 1920 sur cette question est plus que jamais nécessaire pour choisir le chemin qui nous permettra de construire un avenir meilleur.
Jacques Aubert
Président de l’IHS du Val de Marne
L’Institut d’histoire Sociale de la CGT a vu le jour en 1982 à l’initiative de Georges Séguy pour
permettre aux militants CGT de mieux connaitre les luttes qui ont émaillées notre histoire.
L’Union Départementale CGT du Val de Marne crée l’IHS 94 sous forme d’association loi 1901 en 1986. Roland Foucard qui fut le premier secrétaire de l’UD CGT du Val de Marne en sera le Président jusqu’à son décès en 1992. Denise Foucard devient alors présidente de l’IHS et participera à la première édition de la thèse de Lionel Le Bruchec. La présidence de l’IHS sera assurée par Jacques Aubert à partir de 2009.
Aujourd’hui comme hier l’IHS a pour vocation d’aider les syndicats à conserver leurs archives et à les faire connaître pour que nul n’oublie ces luttes et les camarades qui les ont menées. Nous en
sommes les héritiers.
Chaque militant, chaque syndicat, chaque UL a une histoire qui mérite notre attention.
Plus largement l’histoire de l’humanité est avant tout l’histoire du combat des hommes et des
femmes pour leur émancipation. Aussi le travail de mémoire est avant tout un acte militant. Sans cet engagement nous courons le risque que l’histoire ne soit plus racontée que par les seuls dominants et à leur profit.
Ce travail de mémoire nécessaire, n’est possible que grâce au soutien de l’Union Départementale des syndicats CGT du Val de Marne, de l’aide du Conseil Départemental ainsi que celle des Archivesdépartementales du Val de Marne.